Vive la Résistance! Première grenouille mangeuse de crabe capturée sur l’île de Hoga, en Indonésie. Les grenouilles ont été capturées dans des habitats dont la salinité varie de l’eau douce (0%) à l’hypersaline (mares de mangrove, 40%)
Des recherches menées sur des grenouilles mangeuses de crabes (Fejervarya cancrivora) en Indonésie par des scientifiques de l’opération Wallacea ont révélé que ces amphibiens d’eau salée ont une certaine résistance cutanée à la perte d’eau qui leur permet de réduire la dessiccation pendant la période critique d’acclimatation de la terre à la mer. Cela contraste avec la norme pour les espèces semi-aquatiques, qui ne présentent généralement aucune résistance cutanée à la perte d’eau.
La peau mince et perméable est à la fois la pierre angulaire et la pierre angulaire de l’évolution des amphibiens. D’une part, la peau fournit un site utile pour l’échange de gaz; d’autre part, le libre mouvement de l’eau à travers la peau confine les amphibiens à l’eau douce. En effet, sur les 6 500 amphibiens reconnus, seule la grenouille mangeuse de crabes peut entrer en mer.
La découverte offrait une occasion idéale d’étudier la conservation de l’eau chez l’amphibien peut-être le plus unique au monde
Contrairement à d’autres amphibiens, qui se déshydratent rapidement dans l’eau de mer, les grenouilles mangeuses de crabes absorbent de l’urée dans leur vessie afin d’éliminer l’écart osmotique entre les fluides corporels et l’eau de mer. L’acclimatation à l’eau de mer nécessite plusieurs jours, laissant aux grenouilles deux options tout aussi désagréables: elles peuvent absorber du sel et perdre de l’eau à la mer, ou faire face à la dessiccation sur terre.
Étude de la résistance à l’eau
Une grenouille mangeuse de crabe dans un essai de résistance en soufflerie gravimétrique au Laboratoire de recherche de l’île Hoga. La grenouille a été anesthésiée et placée dans la posture typique de conservation de l’eau
En 2010, nous avons découvert des grenouilles mangeuses de crabes sur l’île de Hoga, en Indonésie. Cette découverte offrait une occasion idéale d’étudier la conservation de l’eau chez l’amphibien peut-être le plus unique au monde. En utilisant des méthodes de soufflerie gravimétrique, nous avons testé la capacité de la grenouille à résister à la perte d’eau sur la peau.
Des valeurs de résistance élevées sont courantes pour les grenouilles fossilisées arboricoles et désertiques, qui peuvent avoir des valeurs allant jusqu’à 300 sec/cm*. Cependant, les espèces semi-aquatiques, comme la grenouille mangeuse de crabe, ne présentent généralement aucune résistance cutanée, de sorte que l’eau s’évapore à des vitesses égales à la surface libre de l’eau (soit 0 sec / cm). Étonnamment, nous avons trouvé une valeur de résistance cutanée de 0,27 avec une erreur type de ± 0,06 sec / cm. Bien que cette valeur semble faible, la relation entre la densité de vapeur, la perte d’eau et la résistance de la peau signifie que des augmentations modestes de la résistance peuvent réduire considérablement les taux d’évaporation globaux de la peau.
Adaptation réussie
La résistance de la peau est probablement nécessaire pour exploiter avec succès les environnements d’eau salée. Pendant l’acclimatation, les grenouilles mangeuses de crabes doivent limiter l’exposition à l’eau de mer, et leur capacité à résister à la dessiccation permet de prolonger les temps de transition terre-mer à mesure que les concentrations d’urée augmentent. En pénétrant dans les milieux marins, les grenouilles mangeuses de crabes échappent aux concurrents et aux prédateurs traditionnels d’eau douce et accèdent à de nouvelles sources de proies – un exploit physiologique ingénieux et sans précédent pour un amphibien.
* Les valeurs de résistance sont mesurées dans les unités inhabituelles de sec cm-1