Début septembre dernier, un enfer dévastateur a ravagé le Musée National du Brésil, détruisant le bâtiment vieux de 200 ans et réduisant en cendres la majorité de sa collection d’artefacts de plus de 20 millions.
Comme l’attestent les nombreux efforts de redressement lancés au cours des cinq derniers mois, l’histoire de la bien-aimée institution de Rio de Janeiro est loin d’être terminée: Deux semaines à peine après l’incendie, le personnel du musée s’est réuni devant le bâtiment incendié pour accueillir une exposition temporaire d’artefacts survivants et, à la fin de l’année, Google Arts & Culture a immortalisé le bâtiment d’avant l’incendie lors d’une visite virtuelle complète. Le musée a même ouvert une exposition à la mi-janvier, intitulée Quand Tout n’était pas de glace: Nouvelles découvertes sur le Continent Antarctique, au Musée de la Monnaie brésilienne, qui abritait l’institution nationale au 19ème siècle.
Aujourd’hui, rapportent Julia Barbon et Angela Boldrini pour le quotidien brésilien Folha de S. Paulo, le site rasé a rouvert temporairement ses portes pour laisser la presse constater les dégâts. Tout ce qui reste de l’imposante structure de trois étages, qui servait autrefois de résidence officielle à la famille royale portugaise exilée, est le rez-de-chaussée.
Des échafaudages supportent les enveloppes brûlées des anciennes galeries, renforçant suffisamment les murs pour assurer la sécurité de quelque 60 anthropologues, archéologues et paléontologues chargés de passer au crible les décombres. Selon l’Agence France-Presse, les sauveteurs ont passé environ neuf heures par jour, six jours par semaine, à la recherche d’artefacts récupérables.
En décembre, Yesica Fisch de l’Associated Press a rapporté que les chercheurs avaient récupéré plus de 1 500 fragments des débris. Deux mois plus tard, le nombre d’artefacts récupérés est plus proche de 2 000, comme le rapportent Barbon et Boldrini pour Folha de S. Paulo.
Parmi les objets les plus importants sauvés des flammes figurent le crâne de Luzia, le plus ancien humain jamais trouvé dans les Amériques, âgé de 11 500 ans, et la météorite de Bendegó, une roche spatiale de 5,8 tonnes découverte dans l’État brésilien de Bahia en 1784.
Les archéologues ont découvert pour la première fois le crâne de Luzia dans la Lapa Vermelha au Brésil en 1975. On pense qu’elle avait 20 ans lorsqu’elle est morte, Luzia — nommée en l’honneur du spécimen d’Australopithecus afarensis communément appelé Lucy — mesurait environ 5 pieds de haut et appartenait à un groupe d’hominidés qui dînait sur les noix, les fruits et les baies.
Le personnel du musée a d’abord pensé que les restes de Luzia avaient été détruits par l’incendie. Comme le musée l’a annoncé fin octobre, les sauveteurs ont finalement récupéré environ 80% des fragments de crâne de Luzia, ainsi qu’une partie de son fémur.
Fisch note pour l’AP que d’autres artefacts récupérés dans les débris comprennent des fragments de flèches brésiliennes indigènes, un vase péruvien et une urne funéraire préhispanique. L’AFP indique en outre que des segments d’un squelette de dinosaure Maxakalisaurus topai de 44 pieds, autrefois annoncé comme l’attraction la plus populaire du musée, ont également été trouvés.
Selon le portail « Sauvetage après incendie » du Musée national, une deuxième météorite nommée d’après la municipalité d’Angra dos Reis, où elle a été trouvée en 1869, a survécu à l’incendie dans une armoire en fer ignifuge. Parmi les autres objets récemment récupérés figurent deux poupées karajás, une hache semi-lunaire du Maranhão, du quartz rose, une améthyste et un cristal de tourmaline noire.
Claudia Carvalho, l’archéologue en charge des efforts de sauvetage, indique à Folha de S. Paulo que l’équipe travaille à collecter, trier, cataloguer, stabiliser et restaurer les artefacts sauvés. Bien que les membres du personnel disposent actuellement de conteneurs de stockage 20, l’institution affirme qu’elle aura besoin du double de ce montant à mesure que les tentatives de recherche — qui devraient durer jusqu’à la fin de 2019 — se poursuivront.
Pour l’instant, l’AFP rapporte que les autorités brésiliennes poursuivent deux axes d’enquête: premièrement, la tâche sans précédent de reconstruire le musée rasé, et deuxièmement, la cause de l’incendie lui-même. En septembre, Jonathan Watts, Dom Phillips et Sam Jones du Guardian ont noté que les facteurs sous-jacents soupçonnés d’être en jeu étaient de sévères coupes budgétaires et des systèmes de prévention des incendies obsolètes; au lendemain de l’incendie, des tensions ont éclaté sur le sous-financement systémique et la négligence des institutions culturelles brésiliennes.
La tragédie au Brésil a déclenché une vague de soutien international. Comme l’écrivait Gabriella Angeleti du journal The Art fin 2018, un partenariat entre la mission diplomatique américaine au Brésil, la Commission Fulbright, le Département d’État américain et la Smithsonian Institution devrait permettre à 14 scientifiques qui ont perdu leur travail dans les flammes de poursuivre leurs recherches dans les différents laboratoires du Smithsonian. Les gouvernements et les organisations culturelles du monde entier se sont également engagés à apporter un soutien financier aux efforts de reconstruction.
« Il est important de souligner que le Musée national, malgré la perte d’une partie importante de sa collection, n’a pas perdu sa capacité à générer des connaissances », a écrit le directeur du musée, Alexander Kellner, dans une lettre ouverte l’année dernière. Il a affirmé dans la pièce: « Le Musée national vit! »