Ex Opere Operato

La théologie scolastique utilise ex opere operato (du travail travaillé) pour distinguer ce qui est accompli par le ministre d’un sacrement de l’activité du ministre, l’opus operantis (le travail de celui qui travaille). Cette distinction a été établie afin de situer la source de l’effet sanctifiant dans le rite sacramentel lui-même, et non dans la sainteté du ministre. Le Concile de Trente a utilisé cette terminologie dans son Décret sur les sacrements, Session XIII (1547), canon B: « Si quelqu’un dit que la grâce n’est pas conférée ex opere operato par les sacrements de la nouvelle loi let que celui-là soit anathème. »Dans le contexte œcuménique moderne, il convient de répéter que l’utilisation ex opere operato par Trente, tout en incluant l’idée que l’efficacité des sacrements ne dépend pas de la sainteté du ministre, visait principalement à s’opposer à ceux qui refusaient la médiation objective de la grâce à travers les sacrements de l’Église. Cette utilisation limitée, cependant, a souvent été négligée par la théologie de l’école catholique post-tridentine. En conséquence, le contenu théologique de l’ex opere operato était souvent assimilé à l’administration valide d’un sacrement.

Christ le Sacrement Primordial. On peut commencer par l’idée qu’un sacrement, célébré selon la prescription de l’Église, est une offre objective et infaillible de la grâce signifiée. Tout ce qui est nécessaire pour qu’un « événement salvateur » ait lieu, c’est l’ouverture de la part d’un sujet apte, et convenablement disposé, à la réception de la grâce sacramentelle. Mais cette interprétation purement juridique de l’ex opere operato doit être approfondie théologiquement. Les théologiens catholiques modernes élaborent la dimension plus profonde à l’instar de thomas d’Aquin, qui, dans ses travaux ultérieurs, préfère parler de l’efficacité des sacrements comme dérivée « du mérite, ou de la passion du Christ », et qui n’utilise jamais ex opere operato dans sa Summa Theologiae. Cette approche est correcte car on peut dire qu’un sacrement confère la grâce, ou est efficace, ex opere operato, seulement s’il s’agit d’un acte du Christ lui-même, une représentation sacramentelle authentique du mystère de l’œuvre salvifique du Christ, dans et à travers la communauté qui mérite le titre d’église du Christ (E. Schillebeeckx). Cependant, les théologiens contemporains se contentent souvent de désigner le Christ comme la cause instrumentale efficace de l’activité sanctifiante du Père. Ce point de vue, qui souligne le mouvement descendant de l’auto-communication du Père à travers le Christ dans l’Esprit Saint, doit être élargi.

Le Christ n’est pas seulement le sacrement primordial de l’amour divin-humain de l’humanité et, par conséquent, la cause personnelle de la sanctification offerte dans les sacrements de l’Église. Il est aussi le sacrement primordial de l’amour divin-humain du Père et, par conséquent, la raison pour laquelle la prière de l’Église trouve acceptation devant le Père. De toute évidence, ces deux aspects de la sacramentalité du Christ sont impliqués dans les célébrations sacramentelles, un thème qui est pris en compte dans la Constitution sur la Sainte Liturgie. De plus, ils entrent en jeu dans un ordre qui correspond à l’activité sacramentelle de l’Église.

Incorporation sacramentelle. Les célébrations sacramentelles signifient certaines situations humaines et sociales dans lesquelles le sujet du sacrement est incorporé (par exemple, l’appartenance à l’Église par le Baptême). Mais, pour les yeux de la foi, ce qui est désigné est compris comme connotant un mode particulier d’incorporation dans le mystère de l’Église: la vie de foi en Christ. En tant que sacrement social du salut, l’Église exprime ce double sens en s’adressant au sujet par le geste symbolique et par les formules verbales sacramentelles qui l’accompagnent et qui renvoient explicitement au sens profond de l’activité. Le geste et la parole expriment le désir de l’Église pour la sanctification du sujet, et sont destinés à évoquer un désir correspondant dans le sujet.

En tant qu’actes de l’Église, les sacrements ont une orientation essentiellement épiclétique (voir épiclèse). Certaines formules verbales essentielles des sacrements sont des invocations explicites adressées à Dieu (par exemple, les prières d’ordination). Mais même lorsque la forme indicative et active est utilisée (par exemple, « Je vous baptise … »), en tant qu’acte de l’Église, elle n’est compréhensible que comme une pétition devant Dieu. Cependant, la confiance que l’Église manifeste est fondée sur la conviction de la foi que ce qu’elle fait sert de transparence à ce que le Christ fait dans et à travers les actes sacramentels de Son Église. Parce que le Christ est le chef de l’Église, l’action symbolique représente le Christ tendant la main au sujet, et la parole sacramentelle est insérée par le Christ lui-même dans Son « intercession éternelle » devant le Père.

Lorsque l’on ajoute à cette considération le témoignage de foi des Églises traditionnelles d’Orient et d’Occident que la réalisation des sacrements, et la sanctification des sujets des sacrements, dépendent également de l’œuvre du Saint-Esprit, le sens complet du terme ex opere operato est rendu accessible. On peut le dire ainsi: les célébrations sacramentelles sont efficaces ex opere operato parce que les actions symboliques et la prière d’intercession de l’Église sont la représentation et l’actualisation du double aspect de la sacramentalité du Christ. La source personnelle de la correspondance entre l’activité de l’Église et l’activité du Christ est l’unique Saint pirit, que le Christ possède en plénitude et partage avec Son Église. Parce que l’intercession de l’Église, faite dans, avec et par le Christ Grand Prêtre (sacrement de l’amour divin-humain du Père), dans la puissance de l’Esprit Saint, est toujours entendue par le Père, les célébrations sacramentelles sont toujours l’offre de l’Esprit sanctifiant, faite par le Père à travers le Seigneur Ressuscité (sacrement de l’amour divin-humain de l’humanité), en accord avec la signification des signes sacramentels institués par le Christ. Par conséquent, il y a un envoi de l’Esprit par le Père à travers le Seigneur ressuscité au sujet apte, qui est ouvert dans la foi pour recevoir la grâce propre au sacrement.

Bibliographie : e. h. schillebeeckx, Christ, Le Sacrement de la Rencontre avec Dieu (New York 1963) 82-89. Constitution sur la Sainte Liturgie, Concile Vatican II: Les Documents Conciliaires et Post-Conciliaires, éd. a. flannery (Collegeville, 1975) 1-36.

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